Portrait de Brahms

 

Signature de Brahms

 

1833-1897

 

1833

Johannes Brahms est né le 7 mai* à Hamburg**, le deuxième enfant du maître-musicien Johann Jacob Brahms et de son épouse Christiana Nissen; sa soeur Elise a trois ans. La famille vit dans des circonstances modestes, habite la maison de la grand-mère maternelle dans le Gängeviertel, un quartier de plutôt mauvaise réputation. Le père n’a pas d’emploi fixe à l’époque mais joue la contre-basse aux danses quand une occasion se présente, ou encore le violon, l’alto, le violoncelle, la flute ou le cor. La mère de JB a 44 ans déjà, dix-sept ans de plus que le père, et elle contribue aux finances de la famille par son travail de couturière.

* Ceci est la date de naissance mentionnnée dans presque toutes le biographies de JB, malgré le fait que Brahms lui-même donne le 7 mars 1834 comme date correcte, dans une lettre adressée à Hermann Deiters, l’éditeur de la «Allgemeine Musikalische Zeitung», datée du 8 août, 1880.

** Les villes marquées en couleur sont indiquées sur la carte contemporaine à droite.

Carte contemporaine d'Europe

1835

Le petit frère Fritz est né.

1840

Pendant sa deuxième année d’école, Johannes prend régulièrement des leçons de piano chez Otto Friedrich Cossel, un pianiste que son père apprécie beaucoup. Le petit garçon exhibe un talent exceptionnel pour la musique. Il aime particulièrement la musique légère et populaire jouée par son père et ses collègues. On dit qu’il accompagnait le groupe de musiciens d’un club de nuit à l’autre déjà à cet âge tendre et que le temps passé ainsi dans ce milieu louche de Hamburg expliquerait la relation difficile qu’il a éprouvé toute sa vie avec les femmes.

1843

Johannes Brahms est considéré comme Wunderkind; il donne son premier récital public à l’âge de dix ans. Son professeur de musique croit qu’il devrait viser une carrière de musicien créatif plutôt que d’interpréter les oeuvres des autres et suivant son conseil, les parents déclinent une invitation pour une tournée de récitals en Amérique.

Cossel recommande son jeune élève à Eduard Marxsen qui était auparavant son professeur à lui, mais Marxsen ne veut d’abord pas l’accepter: il n’y aurait rien qu’il puisse lui apprendre. Il consentit finalement et lui enseigne la théorie et la composition de la musique sans charger d’honoraires. JB écrira plus tard qu’il enviait Felix Mendelssohn-Bartholdy parce qu’il avait reçu des leçons de la part de Carl Friedrich Zelter (connu pour ses adaptations musicales des poèmes de Goethe), et qu’il déplorait de ne pas être allé plus loin avec Marxsen.

1847

Johannes Brahms donne sa première performance comme pianiste avec ses propres oeuvres, entre autres avec les Fantaisies sur une valse populaire (une oeuvre malheureusement perdue) ainsi que des variations sur une chanson populaire.

 

1849

JB assiste à un concert de Joseph Joachim, un jeune violiniste hongrois et étudiant dans la classe maître de Mendelssohn-Bartholdy. Il aime particulièrement comment Joachim interprète le Concert pour violon de Beethoven. Plus tard, il fait la connaissance de Eduard Hoffmann, un autre jeune violiniste originaire de l’Empire austro-hongrois mais qui avait été banni de sa patrie parce qu’il avait participé dans la révolte hongroise de 1848 et qui passe par Hamburg en route à l’exil aux É.U.. Comme patriote magyar, il s’appelle maintenant Eduard Reményi.

 

1851

La première des compositions de Brahms ayant survécu date de cette année: le Scherzo op. 4.

 

1853

Eduard Reményi revient en Allemagne après avoir complété une tournée de concerts aux États-Unis qui s’est avérée une bonne réussite. Il invite Johannes Brahms à l’accompagner en tournée à travers l’Europe. Au cours de ce voyage, il introduit Brahms à son vieux copain d’études Joseph Joachim, maintenant célèbre et premier violon à la cour du roi Ernst August de Hannover. Cette rencontre s’avérera d’une grande importance pour Brahms: elle marque le début d’une longue amitié et d’une collaboration des plus productives. De valeur particulière est une lettre de Joachim adressée au grand compositeur Robert Schumann à Düsseldorf dans laquelle il fait l’éloge de Brahms comme génie musical.

À Weimar, JB rencontre le piano virtuoso et compositeur excentrique, extroverti et histrionique Franz Liszt. Les deux hommes ont peu en commun; il sont des antipodes complets en attitude, comportement et mode de pensée. Brahms, qui a vingt ans de moins, est un peu timide et doute toujours de sa vocation comme artiste. Tel que démontré dans ses compositions, il a une perception concernant la nature de la musique totalement différente de celle de Liszt. Néanmoins, Franz Liszt est impressionné par JB et sa musique et l’aide avec des reommandations.

Brahms et Reményi prennent différents chemins à partir de Weimar. Johannes se promène tranquillement le long de la rivière Rhein et arrive vers la fin de l’été à Düsseldorf pour rendre visite à Robert Schumann, annoncé par Joseph Joachim. Pendant un mois suivant son arrivée, il écrit le 3ème mouvement d’une sonate pour violon et piano devant être dédiée à Joachim tel que proposé par son hôte. Le premier mouvement est créé par Albert Dietrich, un compositeur bien connu à l’époque, les 2ème et 4ème mouvements par Robert Schumann. La devise romantique de Joachim Frei aber einsam (libre mais seul) paraît dans chaque mouvement comme motif sous forme de la séquence des notes fa...la...mi... (= f...a...e... dans la notation utilisant des lettres). Le produit final de cet effort collaboratif n’est pas publié de leur vivant; le 3ème mouvement, celui de Brahms, paraît comme Scherzo, WoO 2, seulement en 1906. Le catalogue des oeuvres de Schumann mentionne la composition comme Sonate pour violon no 3, en la mineur, WoO 2 (première publication en 1956).

Brahms et Schumann ont une grande affinité et admiration l’un pour l’autre. Les émotions de Brahms sont exprimées dans la Sonate pour piano no 5 qu’il compose pendant cette visite chez Schumann et sa femme. Il fait part, exalté, à son ami Joachim du génie de Schumann; lui, de sa part, loue les talents de Brahms de façon prodigue dans un article dans la Neue Zeitschrift für Musik dont il est l’éditeur-en-chef.

Tout à coup le jeune compositeur de seulement vingt ans est connu partout, bien avant qu’il crée ses plus belles oeuvres. La maison respectée Breitkopf & Härtel à Leipzig, déjà en existence depuis un siècle, publie ses compositions. Brahms réussit, semble-t-il, dans tout ce qu’il entreprend, lui, le compositeur le plus critique vis-à-vis sa propre performance qui brûle assez souvent le matin ce qui l’avait écrit la journée précédente. Mais la prochaine année prendra une tournure tragique pour les amis.

 

1854

Le 4 mars, Robert Schumann lance son alliance d’un pont traversant le Rhein et puis se jette lui-même dans le fleuve. Il est sauvé par deux pêcheurs et admis, la journée suivante, à une institution privée pour aliénés à Endenich près de Bonn (approximativement 40 km au sud de Cologne = Köln); il restera dans cette maison jusqu’à sa mort deux ans plus tard. Il n’y a pas d’explication satisfaisante pour cette tentative de suicide autre que le terme vague et sur-utilisé de mélancolie, remplacé ces derniers temps par le diagnostique de dépression chronique. À cette occasion, les auteurs de sa biographie mentionnent que Schumann souffrait de la syphilis depuis qu’il était étudiant et que le déclin de ses capacités mentales ne constituait rien qu’une conséquence inévitable.

Brahms prend le train pour Düsseldorf immédiatement après avoir reçu ces tristes nouvelles afin de réconforter Clara Wieck-Schumann et l’assister dans cette difficile situation. Elle est enceinte, à peu près trois mois avant de donner naissance à son septième enfant et elle est désespérée. On lui reproche de n’avoir que peu aidé son mari dans sa maladie psychique, de ne pas l’avoir informé de la naissance de son fils Felix en juin, de lui avoir envoyé une première lettre seulement en août, d’avoir payé la somme considérable de 600 Thaler par année pour l’hospitalisation au lieu d’insister que Robert soit ramené à la maison. D’autre part, les médecins de Endenich avaient conseillé à Clara de ne pas visiter Robert parce que l’émotion pourrait le mettre dans un état pire encore. D’ailleurs, elle se trouve dans une situation financière pénible et doit reprendre, pour pouvoir s’occuper de sa famille, sa carrière interrompue comme pianiste virtuose.

JB avait un interêt romantique pour Clara, une femme qui a quatorze ans de plus que lui-même, depuis sa première visite chez les Schumann. Elle est une beauté, pianiste douée et célèbre qui reçoit des ovations dans toute l’Europe. Il apprécie grandement l’opinion de Clara concernant ses nouvelles oeuvres et dans les quelques lettres qui ont survécu avec le temps, les deux se parlent ouvertement de façon affectueuse et tendre. Il n’y a pas un seul indice que leur amour serait jamais devenu plus que romantique.

Joseph Joachim et Johannes Brahms sont presque les seuls amis de Robert Schumann qui lui rendent visite dans l’institution d’Endenich.

 

1855

Clara Wieck-Schumann, Joseph Joachim et Johannes Brahms se mettent en route pour Danzig, pour une autre tournée de concerts. JB performe des oeuvres de Beethoven, Schubert et Haydn mais aussi quelques brèves compositions de lui-même. Il est très demandé comme pianiste de concert et ses honoraires lui permettent une vie confortable. Donc, il est peu enthousiaste à l’idée de se chercher une position stable.

 

1856

Pendant ces temps difficiles Brahms ne compose que peu d’oeuvres sauf des esquisses qu’il utilisera plus tard.

Clara reçoit un télégramme vers la fin du mois de juillet lui demandant qu’elle vienne à Endenich précipitamment parce que la condition de son mari se détériore. Elle le voit tous les jours mais il est seul quand il ferme les yeux pour toujours, l’après-midi du 29 juillet. L’autopsie révèle une atrophie du cerveau confirmant ainsi une encéphalomalacie qui est symptomatique pour la phase terminale d’une syphilis, tel que déjà soupconné par quelques médecins.

Johannes Brahms se distance quelque peu de Clara quand il observe sa profonde tristesse lors du décès de son mari Robert Schumann. Pourtant, les deux restent des amis proches.

 

1857

JB accepte la position de directeur de chorale et professeur de musique pour les princesses dans la petite principauté de Lippe-Detmold (approx. 120 km au sud-ouest de Hannover), plus ou moins au centre de l’Allemagne. Ici, il jouit de l’expérience pratique dans son domaine préféré, la composition de chansons. Il passe seulement l’hiver à Detmold, le reste de l’an à Hamburg où il recupère un peu de temps pour son travail après la tumultueuse année précédente. Une sonate pour deux pianos est retravaillée et modifiée à plusieurs reprises et devient finalement le Concert pour piano no 1, en ré mineur, op. 15, suivant le conseil de son ami Joseph Joachim.

 

1858

Johannes Brahms fait la connaissance d’Agathe von Siebold, la fille d’un professeur à l’Université de Göttingen, par des amis mutuels. Il tombe amoureux d’elle et la demande en mariage. Clara fait le commentaire, un peu jalouse, «mais tu t’es vite consolé». Quelques mois après, il anulle les fiançailles mais il semble s’être sérieusement épris d’Agathe puisqu’il prendra les lettres de son prénom comme thème pour la chanson no 11 de l’op. 44 (1859) et encore dans le Sextuor pour cordes, en sol majeur, op. 36 (1864-1865). Sa nature, ses décisions impulsives et sa musique attestent à sa personnalité romantique, remplie de rêves, de désir, de nostalgie sans jamais trouver la réalisation, mais il faut que ce soit comme ça puisqu’il doit être libre, sans entrave, comme il écrit. Néanmoins, il a plusieurs amis proches et ces liaisons durent de longues années et survivent déceptions et controverses.

La première des Danses hongroises (WoO 1) est créée; Clara Wieck-Schumann la présente au public en octobre.

 

1859

Brahms écrit un bon nombre de nouvelles oeuvres dans ces mois mais il ne reçoit pas beaucoup d’applaudissements. Il joue, p.ex., son Concert pour piano no 1, op. 15, d’abord à Hannover puis à Leipzig mais n’obtient rien que de la piètre critique. À part son travail à Detmold en automne et hiver, il établit une chorale pour dames à Hamburg démontrant comment il aime les chansons simples. Ce genre de travail lui donne beaucoup de plaisir. Il accompagne aussi le bien connu baryton Julius Stockhausen qui chante des Lieder par Schubert et Beethoven; Brahms lui-même se met à écrire des chansons.

La maison d’édition Breitkopf & Hàrtel se montre timide suite à la mauvaise réception de son Concert pour Piano no 1. Brahms fait la connaissance de Fritz Simrock, propriétaire d’une maison d’édition de musique, et celui-ci commercialise de plus en plus de ses compositions. Par lui, Brahms deviendra en quelques années un homme très bien nanti et ceci malgré le fait qu’il ne reçoit pas des tantièmes mais seulement des honoraires initiaux.

 

1860

Suite à la publication d’un article dans la revue Neue Zeitschrift für Musik dans lequel le poème symphonique, le drame musical, l’opéra et la soi-disant musique de programme sont vantés comme étant la musique de l’avenir, il y a un échange de méchantes lettres entre Liszt, Wagner et autres représentant une «Nouvelle école germanique» et, d’autre part, Brahms, Joachim, le chef d’orchestre Hans von Bülow plus le critique influent Eduard Hanslick du côté d’une «musique absolue» (conservatrice) qui survivra d’elle-même et ne répond pas aux modes et tendances. Brahms et ses amis rédigent un manifeste présentant leur point de vue auquel répondent les Neudeutschen avec une lettre remplie d’invectives. C’est la dispute de musique tristement célèbre pour laquelle il n’y a, évidemment, aucune solution. Hans von Bülow, un bonhomme nerveux, avait été un ardent admirateur de Richard Wagner malgré le fait que ce maître de la grande opéra entretenait une liaison amoureuse avec Cosima, fille de Liszt et épouse de von Bülow, et avait même des enfants avec elle. Von Bülow se libère de l’influence de Wagner et déclare qu’il ne trouvait dans sa musique que des émotions niaises. Il y a possiblement encore d’autres causes pour les ressentiments et les attaques de la part des Neudeutsche: Mathilde Wesendonck, la femme d’un riche marchand de textiles germano-américain, cesse de miser sur Wagner suite à une scène déplaisante avec sa femme Minna; elle lui tourne le dos et accorde son attention et admiration plutôt à Brahms. En 1868, elle lui offrira son drame Gudrun comme livret pour une opéra.

1861

Brahms vie chez ses parents à Hamm près de Hamburg et écrit les Variations sur un thème de Händel (op. 24) bien aimées de Liszt.

Clara Wieck-Schumann présente le Quatuor pour piano no 1, en sol mineur (op. 25) de JB en première à Hamburg.

 

1862

Ceci est une année qui s’avérera décisive pour Johannes Brahms. Il entreprend un voyage à Wien (=Vienne), la ville de son idole Ludwig van Beethoven, et là il est reçu immédiatement avec chaleur et parfois même avec enthousiasme. Dans une série de récitals il présente quelques-unes de ses oeuvres et écrit à ses parents du plaisir qu’il a des ovations reçues et du flair pour la musique du public viennois. Il se sent bien à l’aise, se fait des nouveaux amis, a de nouvelles inspirations et de nouveaux défis, mais il espère toujours être nommé directeur des concerts philharmoniques de Hamburg. Grande est sa déception quand son ami Julius Stockhausen, maintenant un fameux chanteur baryton, obtient la position. Heureusement, JB a développé plus de confiance en soi au cours des dernières années et il est convaincu de la valeur de sa musique. Il retourne à Hamburg et commence à travailler sur une cantate, Rinaldo, qui sera son oeuvre numéro 50.

De retour à Hamburg, il assiste à une répétition de l’opéra Tristan und Isolde de Richard Wagner et «frissonne de ravissement» tel que raconté par Max Kalbeck, auteur de sa biographie, ou plutôt hagiographie.

1863

L’offre de prendre la direction de la Singakademie (= l’Académie de chant) de Wien lui parvient à Hamburg. Après de longues hésitations, puisque d’habitude il a des difficultés à prendre une décision, il accepte la position. Il part en août mais arrête en route pour voir Clara Wieck-Schumann à Baden-Baden (approximativement 170 km au sud de Frankfurt).

Au début, le travail comme chef de chorale va bien mais le chanteurs et chanteuses de Wien ne prennent pas les répétitions trop au sérieux et, dans leurs âmes viennoises plutôt joyeuses, il n’aiment pas la mélancolie de leur directeur ni son choix d’oeuvres.

1864

Brahms rénonce à la position comme directeur de la Singakademie malgré le fait qu’il a été réélu pour un autre terme. Son éditeur Simrock l’implore d’écrire plus de nouvelles compositions parce qu’elles se vendent bien. Le cycle Lieder und Gesänge (op. 32) est publié. Comme toujours, Brahms est en demande comme virtuose du piano.

 

1865

Après la mort de sa mère, JB complète finalement la cantate funèbre à laquelle il a travaillé depuis longtemps: c’est le Deutsche Requiem (op. 45) sur les paroles allemandes prises directement de la traduction de la bible par Martin Luther.

N’étant plus encombré par un emploi permanent Brahms voyage à travers toute l’Europe dans les années suivantes, donne des récitals dans presque toutes les villes majeures, avec de plus en plus de ses oeuvres sur le programme. En été, il réside pendant des mois en Suisse (à Thun, au sud de Bern, ou à Rüschlikon près de Zürich), en Autriche (à Pörtschach et Mürzzuschlag, les deux au sud de Wien, ou à Bad Ischl qui se trouve 60 km à l’est de Salzburg), ou encore à Baden-Baden, près de Clara Wieck-Schumann. Malgré tous les voyages, ces années sont ses plus productives comme compositeur. À Wien, il loue un appartement modeste mais adéquat pour son grand nombre de livres.

Brahms fait un effort de préserver la musique de Franz Schubert (1787-1828); il collectionne ses manuscrits dont quelques-uns sont encore disponibles pour peu d’argent et dont beaucoup n’ont jamais été publiés.

1866

Le Quatuor pour piano en fa mineur (op. 34) de Brahms ressemble fortement au Quintette pour cordes en do majeur de Schubert.

1868

Une tournée de concerts de relativement longue durée à travers l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, le Danemark, la Hollande et la Suisse, en compagnie du barytone Julius Stockhausen et de Joseph Joachim.

Brahms complète les dix premières de ses Danses hongroises (WoO 1) pour piano à quatre mains. Les mélodies hongroises le fascinent depuis le temps qu’il était en tournée avec Eduard Reményi; plus tard, l’ancien ami l’accusera de lui avoir «volé» des mélodies, mais cette inculpation ne peut pas être soutenue puisque les danses ont leur origine dans la musique populaire des gitans ou sont prouvablement des écrits originaux de Brahms.

Joseph Joachim, ’l’autre’ hongrois, ne tient pas de rancoeur envers Brahms; il enregistrera, en 1903, la première des Danses hongroises sur un soit-appelé cylindre d’Edison (on peut l’écouter à youtube.com/watch).

Le Deutsche Requiem (op. 45) qui avait été un fiasco à Wien en 1867, est applaudi lors d’une performance dans la cathédrale de Bremen.

1869

Cette année se passe tranquillement au travail. Presque toutes les compositions de Brahms de cette époque sont des Lieder, p.ex. les cycles no 47, 48 et 49 (en parties) puis les Liebeslieder (Walzer), i.e. les chansons d’amour, valses, op. 52.

 

1870

Johannes Brahms voit l’opéra Rheingold de Richard Wagner, à München. Il est enchanté par la musique comme il l’était en regardant Die Meistersinger à la première performance sous Hans von Bülow deux ans auparavant. Wagner attaque Brahms de façon hostile dans son traité Über das Dirigieren (= Sur la direction d’un orchestre).

1872

Johannes Brahms est maintenant célèbre comme compositeur. On dit que Eduard Hanslick, un critique de musique, professeur d’histoire de musique à l’Université de Wien et proche ami de Brahms, avait été grandement responsable pour la décision de la Gesellschaft für Musikfreunde à Wien (= la société des mélomanes) de nommer Johannes Brahms Directeur et Chef d’orchestre.

Le dernier lien à Hamburg est brisé lors de la mort du père de Johannes Brahms.

 

1873

Brahms écrit la version pour orchestre de ses Variations sur un thème de Haydn (op. 56a) à Tutzing (près de München) et se réjouit de leur grand succès lors de la première, en novembre, à Wien. Son Quatuor pour cordes, op. 51, est dédicacé à son nouvel ami Theodor Billroth, un chirurgien de grande renommée.

1874

Le Bachverein de Leipzig (i.e. une société à l’honneur de Johann Sebastian Bach) est constitué; ses principaux administrateurs sont le compositeur Heinrich von Herzogenberg (aussi le chef de la chorale de la société) ainsi que sa femme Elisabeth. La dame est une pianiste douée, un pilier du monde cultivé de la ville, amie d’un nombre d’artistes, de Clara Wieck-Schumann par exemple. Elle s’est dévouée à Brahms et s’engage pour lui avec toute son énergie. JB lui confie les manuscrits de ses plus récentes oeuvres, apprécie son jugement et tombe amoureux d’elle, de son esprit et son intellect, de sa façon de chanter et jouer le piano ainsi que de ses talents culinaires.

Brahms fait la connaissance de Max Kalbeck qui écrira plus tard une biographie de l’artiste en plusieurs volumes.

1875

Brahms démissionne de la position de Directeur de la Gesellschaft für Musikfreunde de Wien.

Le compositeur est souvent de mauvaise humeur et abrupt sauf quand il parle de son travail. Il déteste être dérangé et il est totalement pris par sa musique. C’est évident quand il est au piano, sur le pupître du chef d’orchestre et aussi lors de ses promenades: il est toujours en train de chantonner une mélodie. Seulement son amie Elisabeth von Herzogenberg ose le censurer quand il est trop abrasif, également parce qu’il ne trouve rien de bon à dire concernant la musique de son mari.

 

1876

Ça fait maintenant à peu près dix-neuf ans depuis que Brahms avait commencé à écrire des esquisses pour une symphonie, pour les mettre au rebut par la suite ou les utiliser dans d’autres oeuvres. Il envoie quelques-unes de ses compositions non-achevées à ses amis comme à Clara, Joseph ou Fritz Simrock. Il n’est pas sûr de lui, toujours sous la magie de la grandiose Neuvième Symphonie de Beethoven. Finalement, pendant un séjour prolongé d’été à Sassnitz sur l’île de Rügen (dans la mer Baltique), il complète sa Première Symphonie (op. 68, en do mineur). La première performance est à Karlsruhe en novembre, puis quelques jours plus tard à Mannheim (60 km au nord de Karlsruhe) sous la direction de Brahms. Le public et les critiques sont enthousiasmés. Mais les critiques de l’oeuvre à Boston (É.-U.) un an plus tard sont étonnantes: elle est considérée ennuyante, bruyante, pauvre en idées, on trouve que ses thèmes ne sont pas assez élaborés. Pourtant, en Europe Brahms est glorifié comme successeur de Beethoven et sa symphonie est même appelée «la Dixième».

 

1877

Brahms oeuvre sur la Deuxième Symphonie (op. 77, en ré majeur) lors d’un séjour à Pörtschach (approx. 200 km au sud de Salzburg). Elle est rapidement terminée et présentée à Wien déjà en décembre.

1878

Une période pleine de joie et de succès pour Johannes Brahms. Il voyage beaucoup, pour la première fois en Italie, avec son ami, le médecin Theodor Billroth. Lentement le magnifique 2e Concert pour piano prend forme mais est mis de côté pour le moment; Brahms se concentre sur le Concert pour violon in ré majeur (op. 77).

1879

Brahms reçoit un doctorat honorifique en philosophie de l’Université de Breslau (à l’époque, la ville fait partie de la Prusse). Un an plus tard, il présente ses remerciements sous forme de la Akademische Festouvertüre (= une ouverture pour une fête académique), op. 80, qui se termine par la chanson d’étudiants Gaudeamus igitur.

Le Concert pour violon en ré majeur (op. 77) est joué pour la première fois dans le Gewandhaus à Leipzig, le soliste est Joseph Joachim, l’orchestre est dirigé par Brahms.

1881

Brahms met les dernières retouches à son Concert pour piano no 2, en si bémol majeur (op. 83) lors d’un séjour à Bad Ischl (à l’est de Salzburg), la petite ville où il est resté également dans l’année précédente. Le compositeur lui-même le présente dans une performance à Budapest; ce sera une de ses plus grandes réussites. Hans von Bülow et son orchestre de Meiningen (une petite ville au sud de Göttingen) le présentent partout en Allemagne.

Deuxième voyage en Italie, de nouveau avec son ami Billroth.

1883

Brahms produit ses plus grandes oeuvres orchestrales dans cette phase de sa vie. La 3e Symphonie, en fa majeur, op. 90, est complétée et jouée pour la première fois à Wien.

1884

Joseph Joachim soupçonne sa femme d’avoir une liaison avec Fritz Simrock, l’éditeur, et demande le divorce. Brahms défend Amalia de façon vigoureuse et ceci met fin à l’amitié qui existait entre Brahms et Joachim depuis longtemps.

 

1885

Johannes Brahms complète sa 4e Symphonie (en do mineur, op. 98); la première est à Meiningen sous Hans von Bülow. Les critiques vont de l’accolade à la diatribe. Le compositeur Hugo Wolf, un admirateur de Richard Wagner, dit que la symphonie était pauvre en idées et fastidieuse. Il condamne tout simplement, parfois de façon insultante, tout ce qui vient de Brahms. Malheureusement, quelques personnages qui ont l’estime du public prononcent leur aversion pour ce genre de musique, tel que George Bernard Shaw et Friedrich Nietzsche, mais aussi des critiques influents comme John F. Runciman à Londres et surtout (et violemment) Peter Tchaikovsky.

Johann Strauss jr, le «Roi de la valse» , rend visite à Brahms. Ce jeune homme déjà bien connu et aimé adore Brahms qui a 30 ans plus que lui, mais il ne croit pas à l’avenir de sa musique «absolue» .

 

1886

Brahms écrit de la musique pour le violoncelle, la Sonate en fa majeur (op. 99) et le Concert pour violon et violoncelle, en la mineur, op. 102.

 

1887

Le 5e voyage en Italie, en èté, cette fois avec le compositeur Theodor Kirchner et avec Fritz Simrock.

1888

Brahms est à Leipzig pour les répétitions de son Trio pour piano, violon et violoncelle, en do mineur (op. 101) avec le violiniste russe Adolphe Brodsky. Il est invité pour le dîner de Noël chez les Brodsky et est surpris quand les compositeurs Eduard Grieg et Peter Tchaikovsky arrivent également. La soirée est amicale et agréable pour Grieg et Tchaikovsky mais Brahms est mécontent et morose.

Au cours de ses séjours à Thun (près de Bernen Suisse) dans les années 1886 à 1888, Brahms écrit presqu’exclusivement des Lieder (op. 103, 104, 105, 106, 107).

1889

La Ville de Hamburg nomme Brahms citoyen d’honneur; plus que la plupart de ses distinctions, celle-ci lui fait véritablement du plaisir. En avril, il se rend à Cadenabbia sur le Lac Como, son septième voyage en Italie mais cette fois tout seul. Là, il habite la villa du Duc de Meiningen, dans une mer de fleurs.

Le 2 décembre, Brahms enregistre la Danse hongroise no 2 sur un cylindre d’Edison. On peut écouter Brahms jouer le piano sur le site de l’internet youtube.com/watch.

1891

JB est ravi de la virtuosité du clarinettiste Richard Mühlfeld qui est membre de l’orchestre de Meiningen et il compose sous cette impression le Trio pour piano, clarinette (ou viola) et violoncelle (en la mineur, op. 114) ainsi que le Quintette pour clarinette (ou viola), deux violons, viola et violoncelle (en si bémol mineur, op 115).

L’endroit de vacances d’été qu’il préfère maintenant est Bad Ischl (près de Salzburg), et il y retournera régulièrement jusqu’à la fin de ses jours.

 

1892

Elisa meurt, sa soeur bien-aimée.

 

1893

Son neuvième voyage en Italie (son dernier) mène Brahms et trois de ses vieux copains jusqu’en Sicile. Le voyage ne s’effectue pas sans encombre: d’abord il perd son portefeuille, par la suite l’ami Joseph Widmann, poète et critique littéraire, subit un accident douloureux sur le bateau de Messina à Napoli.

La talentueuse alto Hermine Spies rend son âme à l’âge de seulement 33 ans. Elle était une amie proche de JB et bien connue comme interprète de ses chansons.

 

1894

Les amis Theodor Billroth, le chirurgien, et Hans von Bülow, le chef d’orchestre, meurent également, les deux à l’âge de 64 ans.

 

1895

Clara Wieck-Schumann et Johannes Brahms se voient pour une dernière fois, à Frankfurt, où elle gagne sa vie difficilement comme professeure de piano après avoir renoncé à sa position d’enseignante à l’Académie de musique de la ville. Le coeur serré elle accepte le support financier de Brahms.

 

1896

Le Duc et la Ville de Meiningen organisent le Premier festival de la musique de Brahms.

Clara Wieck-Schumann meurt le 20 mai à l’âge de 75 ans, suivant un accident vasculaire cérébral et après avoir souffert d’une maladie non déterminée qui l’avait laissé émaciée. Brahms reçoit la triste nouvelle à Bad Ischl, part immédiatement pour Frankfurt où il est informé que Clara sera enterrée à Bonn, près de son mari défunt dans le Vieux Cimetière. Il arrive tard aux funerailles, juste en temps pour jouer ses Quatre chansons solennelles (op. 121) à la cérémonie, tout en larmes.

 

1897

Johannes Brahms meurt le 3 avril, à Wien, après une sérieuse maladie de laquelle il a souffert déjà depuis un an, suivant Clara après moins d’un an. Il est enterré dans le Cimetière central de Wien, proche de Ludwig van Beethoven et Franz Schubert.

Une autopsie n’est pas effectuée; la cause supposée de la mort est une cirrhose du foie, ou possiblement un carcinome du pancréas.

 
     

Lecture recommandée

 

Hans A. Neunzig: Johannes Brahms. Rowohlt Taschenbuch Verlag, Hamburg: 2006 (21. Auflage) (en allemand)

Hans Gal : Johannes Brahms, Werk und Persönlichkeit. Fischer Bücherei, Frankfurt am Main: 1961 (en allemand)

Max Kalbeck: Johannes Brahms. Berlin: 1921 (4. Auflage, 4 Bände) ou www.zeno.org/Musik/M/Kalbeck,+Max (en allemand)

Alfred von Ehrmann: Johannes Brahms. Weg, Werk und Welt. Breitkopf & Härtel, Leipzig: 1933 (en allemand)

Christiane Jacobsen (Hrsg.): Johannes Brahms. Leben und Werk. Breitkopf & Härtel, Wiesbaden: 1983 (en allemand)